mardi 13 février 2007

S'endormir sous une arche


J'aimais ces moments de fortes amplitudes, qui entraient en résonance toujours à ce moment-là de l'année. Il y avait les doigts gelés qu'on glissait sous nos couches de pulls où le ventre bouillonnait. Les larges goulées d'air glacé. Une offensive du général hiver sous ce soleil glacé, insistant désormais, nous faisant vainqueurs par les jours qui rallongent.

Je supporte de moins en moins ces fortes amplitudes.
Ce week-end, laisser Neil aller à son grand repos ; embrayer sur un anniversaire de lesbiennes ambiance radicale ("oui, je n'oublie pas d'éteindre l'interruptrice, promis... c'était qui au fait le message sur la répondeuse?") ; s'effondrer dans la fête ; tisser en 24 heures un cocon de douceur, avant d'autres grandes interrogations nocturnes, des fils d'idées dans les mains.
Ces deux jours à voir s'alterner félicitations et remontrances, toutes autant injustifiées les unes que les autres.


Aujourd'hui était en cela même spécial. Un vieux souvenir souffle ses 38 bougies. J'y ai repensé en allant fumer ma cigarette, vers 16 heures, sur le balcon nord du cabinet. Oui, les jours s'étirent élastiques, s'amincissent, s'éthèrent, s'étiolent.
Il y a vingt ans, pour ce grand anniversaire, nous réchauffions nos doigts gelés sous les pulls. L'après-midi, j'avais passé un moment sur la balançoire, à m'en donner le tournis, à réchauffer ma tête au soleil aveuglant et vainqueur, à laisser partir en buée les paroles de Recueillement dont je m'enorgueillais de jouer la partition au piano les yeux fermés, déjà.

Cet après-midi, vers 16 heures, j'étais sur une balançoire suspendue par quelques souvenirs. Ce peu de souvenirs, tissés entre eux en cordes solides, ombilicales, qui finiront par céder avec le temps, à moins que je ne donne un bon coup de ciseau définitif, à moins que la calandre rouillée ne cède. J'ai de moins en moins de raisons de rester à Lyon. Les cordes trouveront une place dans quelque coffre, à côté d'un vieux 33 T de Marc Seberg, je suppose.

En rentrant, sur le bureau, je retrouvai des tableaux de bord, des déclarations fiscales, et des messages. J'embrassai tout cela du regard, la tête dodelinant encore. Je n'ai pas encore pris ma décision. Décidément, j'aime les grandes amplitudes. Mais je ne les supporte guère.

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées...



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